Le riz de Camargue, qui connait vraiment ?
Bonjour à vous toutes et à vous tous.
Ici, c’est Charles, de Point de vue de campagne, la chaîne où l’on parle d’agriculture, de l’agriculture d’aujourd’hui, mais en perspective avec ce qu’elle était hier.
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Aujourd’hui, nous allons traiter d’un sujet original qui découle de notre volonté d’acheter directement du riz chez le producteur, un producteur français en Camargue.
Moi qui connais bien l’agriculture, je dois bien dire que j’étais scotché par les caractéristiques de cette production, et ce à tout point de vue : depuis la gestion des sols, le semis, la gestion de la culture et de la récolte.
Je vous dois également quelques excuses, car j’ai tourné cela par une journée où il y avait un mistral de fou, qui a gêné quelque peu, notamment lors des témoignages.
Le riz est une céréale, c’est même une céréale que l’on consomme presque à l’état brut et l’une des plus diffusées et consommées dans le monde.
C’est cette découverte que je vais partager aujourd’hui avec vous, car franchement, ça vaut le détour.
On peut manger régulièrement du riz sans clairement savoir comment il pousse et comment il arrive dans notre assiette.
Nous avons la chance d’avoir cette richesse dans une région exceptionnelle, tant par sa biodiversité que par la qualité des femmes et des hommes qui y vivent.
C’est en rencontrant les familles Marceau et Dupuis, du domaine de Remoul sur la commune d’Arles, que j’ai pu découvrir cette production.
Je dois bien l’admettre : ils m’ont réservé le meilleur accueil et ont même reporté le dernier jour de la récolte pour me permettre de réaliser un certain nombre d’images que je vais vous partager.
Nous sommes le 6 octobre 2025.
Avant de rentrer dans le vif du sujet, je vais quand même vous donner quelques chiffres et informations qui permettent de définir le cadre de cette production agricole tellement exceptionnelle sur notre territoire national.
Le riz est la troisième céréale mondiale. La première, très loin devant, c’est le maïs, avec 1 265 millions de tonnes, suivi par le blé avec 805 millions de tonnes, puis le riz avec 555 millions de tonnes. Ce sont des chiffres moyens.
Cette céréale est essentiellement produite en Asie du Sud-Est, où elle constitue la première céréale mondiale pour l’alimentation des populations.
La France, qui est le deuxième producteur en Europe derrière l’Italie, assure une production de 70 000 tonnes, réalisée grâce à environ 160 producteurs.
Cela représente autour de 2 000 emplois pour cette région et constitue donc un véritable enjeu en termes d’emploi, mais aussi de gestion des sols.
Car c’est précisément cette production qui permet la désalinisation des sols, et donc le maintien d’une faune et d’une flore spécifiques.
Ce sont 15 000 hectares qui sont ainsi gérés par les riziculteurs dans le delta du Rhône, essentiellement dans le département des Bouches-du-Rhône, mais également en partie dans le Gard.
La gestion de l’eau est l’un des problèmes majeurs pour la réalisation de cette production.
Les parcelles sont découpées en clos et alimentées par un réseau d’irrigation ou un réseau hydraulique géré collectivement.
On y retrouve un vocabulaire spécifique pour assurer cette gestion : on parle de portaux, de roubines, de martelières, tout un lexique local pour assurer l’arrivée de l’eau vers ces clos, mais aussi leur vidange.
Comme le dit Philippe Dupuis : « Il y a une entrée d’eau pour apporter l’eau, et le clos est entouré de roubines pour permettre le drainage lorsqu’on décide d’écouler les rizières. Chaque clos possède entre deux et quatre coupures pour évacuer l’eau. C’est aussi simple que ça. »
Le sol des parcelles est nivelé au laser, ce qui permet d’avoir une surface parfaitement plane, l’équivalent d’un billard.
Ainsi, quand on met la parcelle en eau, on a l’impression d’avoir un lac devant soi.
Mais ce nivellement a surtout un sens pratique : lorsque la biomasse devient importante, il suffit de vérifier le niveau d’eau à un endroit du clos pour savoir s’il y en a partout. Si vous avez de l’eau à un endroit, vous en avez partout, car la terre est parfaitement plane.
Aujourd’hui, on dispose d’outils très modernes, lasers, lames de nivellement, mais les anciens avaient bien plus de mérite. Leur travail était un véritable labeur, dans des conditions beaucoup plus difficiles. Il faut leur rendre hommage.
Faire rentrer de l’eau dans les rizières n’est pas un problème en soi. La Camargue est ainsi faite : c’est une terre de riz, dotée de toutes les infrastructures nécessaires.
On dispose de canaux appartenant à des associations syndicales autorisées (ASA) qui gèrent l’eau collectivement.
Quand l’irrigation se fait par gravité, on ouvre simplement les martelières. Sinon, on utilise des stations de repompage privé : l’eau est captée depuis les canaux, puis renvoyée via des portaux vers les parcelles situées plus haut.
Il existe même une solution mobile appelée « pompe italienne » : un tracteur équipé d’une pompe permet d’arroser des clos difficilement accessibles, jour et nuit.
Une fois les rizières remplies, la gestion de l’eau devient une surveillance de tous les instants.
Chaque matin et chaque soir, les riziculteurs font « la tournée de l’eau », car le riz a besoin d’être constamment immergé.
Mais cette surveillance est aussi nécessaire pour détecter les dégâts causés par la faune locale : sangliers, ragondins ou écrevisses américaines, il y en a des millions ici, peuvent creuser des galeries ou percer des trous dans les digues.
Un petit trou, à peine visible un jour, peut devenir une brèche importante le lendemain sous la pression de l’eau, surtout s’il communique avec un chemin ou une galerie de ragondins.
Si on ne réagit pas à temps, il faut alors intervenir avec une mini-pelle ou une pelle mécanique pour colmater les fuites.
En moyenne, on maintient une lame d’eau d’environ 10 cm. Multiplié par la surface cultivée, cela représente des millions de mètres cubes d’eau.
Le riz est très gourmand en eau, vous seriez surpris de savoir combien d’eau est nécessaire pour produire un seul grain de riz. La prochaine fois que vous en mangerez, pensez-y !
En somme, la gestion de l’eau est vraiment l’une des choses les plus importantes dans la riziculture.
Le semis, lui aussi, n’a rien de commun avec celui des autres céréales.
Les graines sont d’abord immergées pendant 24 heures, puis semées à la volée sur un sol déjà recouvert de 10 cm d’eau.
Vous imaginez le caractère aléatoire d’un tel semis ?
On utilise des semences certifiées, achetées à des organismes spécialisés, et on les épand avec un tracteur équipé d’un épandeur à la volée, sur des largeurs de 21, 24 ou 28 mètres.
Le repiquage, comme on le pratique encore à la main en Asie, existe aussi sous forme mécanisée, mais la technique n’est pas encore parfaitement au point en Europe.
Cela pourrait toutefois revenir, car les conditions asiatiques (petites parcelles en restanques, main-d’œuvre abondante) sont très différentes des nôtres.
La riziculture est donc une culture agricole différente, portée par une mentalité et une culture autour du riz complètement à part.
Le semis a lieu fin avril ou début mai, selon la météo, car c’est toujours elle qui commande.
Les sols camarguais sont essentiellement limoneux, avec un peu d’argile, issus des alluvions du Rhône.
Le cycle de culture dure entre 150 et 180 jours selon les variétés, ce qui conduit à la récolte fin septembre ou début octobre — toujours en fonction de la météo.
Certaines années sont plus clémentes que d’autres : chaleur, ensoleillement… tout cela influence la levée et la maturation.
Sur ce domaine, on cultive en conventionnel, le bio a été abandonné, ce qui implique une forte pression d’adventices (mauvaises herbes), notamment le panic érigé ou le trèfle d’eau.
La culture du riz nécessite donc un travail considérable : outre la tournée quotidienne de l’eau, il faut intervenir très tôt après le semis avec des désherbages précoces pour « commencer la course debout et la finir debout ».
Avant le semis, on peut effectuer un « faux semis » un mois à l’avance pour éliminer les premières levées de mauvaises herbes.
Ensuite, l’eau reste présente dans les parcelles de fin avril/début mai jusqu’à fin août, soit environ cinq mois complets.
Puis, une fois que le riz n’est plus en phase laiteuse et commence à jaunir, on écoule l’eau.
Le sol garde encore de l’humidité, ce qui permet de faire passer les engins de récolte (souvent à chenilles) sans trop de dégâts.
La date exacte de récolte dépend de chaque riziculteur, de ses contraintes et de son planning.
Mais en règle générale, on vise un semis fin avril/début mai pour que la floraison ait lieu autour du 10–15 août, période où la météo est généralement favorable.
Concernant les variétés, on cultive principalement du riz long (comme le Ronaldo ou le Rambo), du rond, du riz étuvé (appelé localement « relate ») et du riz naturellement parfumé.
Parfois, sur de petites surfaces, on expérimente aussi des riz de couleur, rouge ou noir.
Les variétés précoces comme le parfumé ou l’étuvé sont moissonnées en priorité, car elles ont tendance à s’égrainer ou à se coucher plus facilement, surtout en cas de mistral fort.
Viennent ensuite les variétés classiques comme le rond ou le long.
La plupart des semences proviennent d’Italie, premier producteur européen.
Il existe un vrai savoir-faire là-bas, mais on espère que nos coopératives françaises pourront, à l’avenir, produire davantage de semences locales, afin de réduire notre dépendance à l’international.
En ce qui concerne la fertilisation, en agriculture conventionnelle, on utilise principalement de l’urée et de l’azote.
Avant le semis, on apporte un engrais de fond (phosphore, potasse, etc.), car le riz épuise totalement le sol : après la culture, les analyses ne montrent plus aucun reliquat azoté.
En bio, on utilise des amendements organiques comme des fientes de volailles ou des farines animales.
Voilà pour cette première partie.
Le sujet est tellement vaste qu’il m’a semblé déraisonnable de tout traiter en une seule vidéo.
Jusqu’ici, nous avons abordé la riziculture en France, la gestion de l’eau, l’aménagement des parcelles et le suivi de la culture.
Dans un prochain opus, nous parlerons de la récolte proprement dite, celle du grain, mais aussi celle de la paille, avec du vrai gros matériel agricole à l’appui.